Blockchain pour la gestion des relais radioamateur

Blockchain pour la gestion des relais radioamateur

19 octobre 2019 Non classé 0
blockchain relais

Échanges avec l’ANFR au sujet de la blockchain et la gestion des relais radioamateur

C’est lors de Hamexpo 2019 que j’ai pu rencontrer l’ANFR sur leur stand, et poser quelques questions concernant la blockchain utilisée par l’agence pour l’assignation de fréquences. J’ai pu rencontrer le responsable du développement, de l’innovation et du Datalab.

Voici les idées que j’ai exposé à Cédric NOZET de l’ANFR :

Cédric Nozet est responsable du développement, de l’innovation et du Datalab à l’ANFR. Son parcours professionnel passe par TDF, puis DGE avant d’intégrer l’ANFR. Il est particulièrement à l’aise sur les sujet de l’IA et le Data Mining.

Attention, ce document ne vaut pas un engagement ni aucune acceptation de la part de l’ANFR ou de Cédric NOZET. Il s’agit de l’exposé de mes idées simplement.

La Blockchain de l’ANFR :

L’agence a développé la blockchain des fréquences avec l’aide d’une startup Blockchain Partner, pour héberger une solution logicielle permettant de gérer l’utilisation de fréquences PMSE audio, lors d’un événement donné et sur une zone limitée. Il s’agit de coordonner l’utilisation des fréquences PMSE Audio par auto gestion des utilisateurs et ainsi, éviter les brouillages. La solution logicielle comprend une application web et une blockchain privée.

La Blockchain est ici un outil puissant pour garantir l’intégrité des déclarations d’utilisation de fréquences d’un utilisateur et permettre aux autres utilisateurs d’utiliser des fréquence disponibles. 

L’organisateur d’un événement crée un espace dans le temps et géographique (geofencing) pour que les utilisateurs puissent faire leur déclarations d’utilisation de fréquences. L’application web appelle le module blockchain et créer un block unique pour chaque déclaration d’utilisation d’une fréquence dans un espace temporel et géographique correspondant à un événement. L’ensemble des déclarations d’utilisation est alors affiché sur l’application et les autres utilisateurs peuvent immédiatement faire de nouvelles déclarations sur des fréquences non utilisées, et éviter ainsi de provoquer des brouillages.

Le premier cas d’usage de cet outil est la coordination de l’utilisation de fréquences PMSE Audio (pour les micros sans fils par exemple) lors d’événements de grande ampleur. Ces fréquences libres, ie elles peuvent être utilisées sans autorisation préalable. L’utilisation de cette solution lors d’un grand événement pour tous les utilisateurs de fréquences PMSE Audio permet d’éviter les brouillages et donc obtenir une bien meilleure satisfaction des utilisateurs.

Situation des relais radioamateur :

Actuellement, l’assignation des fréquences est libre sur les bandes de fréquences des services d’amateur et d’amateur par satellite. Il s’agit du L33.3 du CPCE. L’agence traite toutes les demandes des radioamateurs par un simple enregistrement, et attribue un indicatif. Le radioamateur doit faire en sorte de ne pas brouiller une installation existante.

Les radioamateurs s’étaient organisés avec la CNRB, qui faisait une analyse et recommandait un couple de fréquences pour un projet donné. La CNRB n’existe plus. J’exposerai cette idée au GIAR (Groupe Inter-Associations Radioamateur), par l’intermédiaire du DR@F.

Les installations de relais numériques ont explosé depuis 2015, avec la démocratisation des installations type MMDVM peu chères, basées sur un RaspBerry Pi, un logiciel open source et un modem intégré dans un microcontrôleur.

Plusieurs réseaux d’interconnexion ont vu le jour avec le DMR, DStar, Fusion, P25. Ces réseaux contiennent eux mêmes des sous-réseaux, qui multiplient la complexité d’accès et souvent maintenant, la multiplicité des installations relais dans une même zone, pour des services différents. Cette situation crée de fait une pénurie de fréquences, des brouillages, et même des tensions entre les opérateurs des différents projets.

Comment gérer les fréquences des relais radioamateur ?

Comme la CNRB le faisait, il est possible de reprendre le même schéma centralisé d’une assignation de fréquences pour chaque demandeur, avec l’analyse de l’existant. Cette méthode demande un gros travail de consolidation de l’ensemble des installations effectives en France et que tous les radioamateurs y adhèrent, pour leur projet.

1) Une solution par la planification :

Il existe aussi une solution théorique de planification prédéterminée avec un ensemble finit de canaux pour une zone spécifique. L’utilisateur prend alors le couple de fréquences prédéterminées en fonction de la localisation du projet. Cette solution demande un haut degré d’acceptation par la communauté radioamateur car il est très directif. Le contexte actuel ne semble pas favorable à cette solution.

La planification pré-détermine les fréquences

2) Une solution par l’analyse :

Une autre solution consiste à réaliser une analyse en ligne du projet de l’utilisateur pour la comparer avec une base de données des installations existantes. L’utilisateur peut ainsi connaître les fréquences disponibles dans une zone donnée, en fonction de quelques paramètres comme la situation géographique et la PAR. L’outil compare ces informations avec une base de données de relais existants. Cette solution est en expérimentation sur le site de F1SHS. Le retour d’expérience montre que l’outil est pertinent si la base de données des relais est à jour des installations effectives et réellement utilisées. Si le relais n’est plus en fonctionnement ou si la base n’est pas unique, l’outil ne sera pas efficace.

Exemple de l’analyse avant le choix d’une fréquence

3) Une solution hybride avec la blockchain :

On remarque que la problématique de recherche d’un couple de fréquences pour un projet de relais est sans doute le même que pour les micro sans fil de la blockchain ANFR.

Une solution hybride serait de reprendre l’analyse en ligne, en l’intégrant en première partie d’une procédure déclarative, auto-gérée, pour obtenir un enregistrement unique, basée sur la blockchain.

On peut imaginer que l’événement a créer concerne une zone géographique égale à la zone de couverture théorique du projet de relais. Le demandeur cherche alors un couple de fréquences libres pour son projet. Il déclare les coordonnées théoriques de son installation, la hauteur de l’antenne, et la PAR.

blockchain
https://youtu.be/SccvFbyDaUI

L’application Web sur lequel le demandeur suit la procédure, détermine alors une zone de couverture théorique avec une marge de sécurité. Il la compare avec une base de donnée de l’ensemble des installations effectives dans cette même zone pour proposer un couple de fréquences libres.

La blockchain apporte une propriété intéressante pour la gestion des installations qui ne seraient plus en fonctionnement : Lors de sa création, un block représentant chaque installation peut intégrer des informations sur la durée de vie de l’installation. Ainsi, il est possible de maintenir une base à jour avec l’utilisateur, qui devra renouveler régulièrement l’existence du block représentant son installation. L’ensemble est alors auto-géré et collaboratif. On peut imaginer un renouvellement annuel.

Image crédit Sysoco

La blockchain serait alors une étape préalable à la demande d’indicatif à l’ANFR. Si l’ANFR hébergeait ce cas d’usage sur son site web de blockchain, il serait alors possible de lier le cycle de vie d’un indicatif à la durée de vie du block représentant l’installation. L’hébergement de cette solution par l’ANFR donnerait une légitimité bien plus forte que les solutions déjà utilisées par les radioamateurs. On peut imaginer un effet d’influence positif, sans être pour autant obligatoire, dans le sens du L33-3.

[Commentaire Cédric NOZET : Il ne me semble pas qu’il existe les bases réglementaires permettant d’imposer une durée de vie annuelle d’un indicatif ou de lier cette durée de vie à celle d’un mécanisme technique.]

De la même manière, il serait possible d’authentifier le radioamateur titulaire d’un indicatif pour demander d’autres services, sans devoir montrer systématiquement son document personnel de licence. L’authentification serait faite à partir du site web de l’agence et les connexions aux autres services par l’intermédiaire d’API. J’en profite pour suggérer à l’ANFR d’augmenter le niveau d’authentification sur son site web à une solution à deux facteurs, car l’authentification est actuellement basée seulement sur le numéro de certificat.

Les services internes possibles (ANFR) :

  • La demande d’un indicatif relais ou balise
  • La demande d’un duplicata de licence
  • La demande d’un indicatif de radioclub
  • La demande de suspension ou fin d’activité

Les services externes possibles (API) :

  • La demande d’un ID-DMR ou autre enregistrement à une technologie innovante
  • L’authentification pour l’accès à un service numérique RF : APRS, HAMNET, etc …
  • La signature d’une transmission de la voix et des données sur un réseau
  • La création de mandats civils radioamateur, pour qu’un proche puisse aider une personne en situation de faiblesse ou qui n’a pas accès aux outils numériques
  • L’authentification du radioamateur par le portail France Connect.

[Commentaire Cédric NOZET : Dans ma compréhension, sujet distinct de celui de la blockchain et de la planification des fréquences]

L’authentification est un sujet qui revient régulièrement lors des discussions avec mes amis radioamateurs. Bien que la réglementation n’autorise pas le chiffrement (le codage ne doit pas “en obscurcir le sens”), plusieurs services utilisent déjà ce chiffrement pour authentifier l’utilisateur : Hamnet avec les VPN et les stations de contrôle pour les satellites radioamateurs. Une avancée majeure de la réglementation serait de permettre un certain type de chiffrement pour les services d’authentification forte.

Aller plus loin avec l’intégration d’une PKI dans la blockchain radioamateur :

Je pense ainsi qu’il serait envisageable d’expérimenter des situations nécessitant l’authentification de l’utilisateur (radioamateur). La blockchain pourrait intégrer les clés privées et publiques, générées à partir d’une infrastructure PKI (Public Key Infrastructure), et permettre à l’ANFR d’exercer un contrôle. Le chiffrement ne serait utilisé que pour de l’authentification par exemple.

[Commentaire Cédric NOZET : L’accès à une blockchain nécessite déjà la possession d’un couple clé privé/clé publique qui permet de tracer toutes les actions réalisées par un utilisateur et de les faire connaître à tous les utilisateurs]

Lutter contre la fracture numérique :

Par contre, il se pose la question de l’accès au numérique pour les personnes vulnérables ou qui ne seraient pas nées avec la génération des millenials. Cette solution pourrait alors permettre l’existence d’un mandataire, proche de cette personne, qui ferait les démarches à sa place. Le processus de mandat civil suivrait alors la même logique d’authenticité, d’intégrité et de limite dans le temps.

Quelques contraintes :

  • La première condition pour un fonctionnement optimal de cette solution blockchain, est d’obtenir une base de données complète et à jour des installations radioamateurs. Ce travail sera fait une fois et maintenu par le cycle de vie de la blockchain. Elle complémenterait la base de données de l’ANFR serait l’unique référence, mise à jour d’éléments temporels et bien plus proche de la réalité du terrain.
  • La seconde condition au succès de cette solution est de créer une blockchain privée, pour s’affranchir du coût d’usage des blockchain publique connus comme Etherum, etc …